Le vol de la libellule, Uehara Michiko | The Fly of the Dragonfly, Uehara Michiko
Textes de Laure Schwartz-Arenales, Bertrand Piccard, Uehara Michiko, Shukuko Voss-Tabe, Miyagawa Tomomi, Moroyama Masanori, Suzanne Lassalle
L’inestimable légèreté des tissus
De son unique voyage au Japon, en 1924, Alfred Baur, fondateur du Musée des Arts d’Extrême-Orient de Genève, est revenu émerveillé par la poésie éphémère des “images du monde flottant” (ukiyo-e). C’est à cette découverte que puisent leur inspiration l’exposition “Plus léger que l’air” et le livre éponyme, qui célèbrent à la fois le centenaire de ce voyage et le 160e anniversaire de l’établissement de relations diplomatiques entre la
Suisse et le Japon. L’ œuvre de Uehara Michiko, tisseuse virtuose originaire d’Okinawa, incarne la recherche esthétique et conceptuelle de la légèreté. Dans son atelier baigné par le soleil subtropical, elle crée des étoffes sublimes à partir de fils aussi minces que “l’aile de la libellule” (akezuba dans la langue de son île natale).
La relation symbiotique de Uehara Michiko avec la fibre de soie, et avec la nature en général, se traduit par cet art textile auquel elle donne, à l’instar de Juvénal sous l’Antiquité romaine, le nom d’“air tissé” : un voyage éthéré et rythmé qui transcende toute frontière et nous raccorde au monde vivant. L’ouvrage esquisse un parallèle entre la recherche de Uehara Michiko et celle de l’explorateur suisse Bertrand Piccard, dont l’avion solaire, semblable à une libellule géante, matérialise l’alliance de la résistance et de la légèreté, tissant une harmonieuse trajectoire qui relie l’humanité, la terre et le ciel.
Plus léger que l’air est un livre riche en pistes de réflexion sur l’art, la nature, la tradition et le dialogue interculturel – un fascinant périple à travers la beauté éphémère des estampes japonaises et la maîtrise textile de Uehara Michiko.
Laure Schwartz-Arenales a commencé sa carrière au Musée national des Arts asiatiques-Guimet et à l’École du Louvre, où elle a enseigné les arts d’Extrême-Orient. Elle dirige depuis 2018, à Genève, la Fondation Baur, Musée des Arts d’Extrême-Orient.
Née en 1949 à Naha, dans l’île d’Okinawa, Uehara Michiko a découvert les tissus d’Okinawa au Japan Folk Crafts Museum, pendant ses études à l’université de Tokyo. Après s’être initiée aux arts textiles sous la direction du grand maître Yoshihiro Yanagi, elle a étudié les techniques traditionnelles de tissage de son île natale auprès de Shizuko Ôshiro et a fondé en 1979 le laboratoire “Mayu-ori”. Utilisant des fils de soie de trois
deniers seulement, c’est-à-dire les plus minces que le ver à soie puisse produire, elle tisse des étoffes incroyablement légères et aériennes, baptisées “akezuba-ori”, c’est-à-dire, comme nous l’avons vu, “aile de libellule” en okinawaïen.